Julia Leigh dans son premier long métrage : Sleeping Beauty


Sleeping Beauty, premier long-métrage de l'australienne Julia Leigh qui sortira le 16 novembre en France, a subi jeudi dernier un affront de la Commission de classification des films, qui a proposé l'interdiction du film aux moins de 16 ans. Ce choix est motivé selon la Commission par "la peinture de personnages à la dérive dans des situations difficilement compréhensibles par un public jeune et susceptible de heurter ce dernier".

Présenté en compétition au Festival de Cannes 2011, Sleeping Beauty suit le parcours d’une étudiante payée pour dormir nue sous somnifère pendant que des vieillards partagent sa nuit. Doté de plusieurs dialogues crus mais dénué de véritable érotisme, le film sortirait sur un nombre très limité d'écrans s'il venait à être interdit aux moins de 16 ans. La distributrice Michèle Halberstadt, d'ARP Sélection, a donc décidé de faire appel de cette décision auprès du Ministère de la Culture et de la Communication.

Julia Leigh a appuyé ce choix avec aplomb dans Le Film Français, précisant que son film "se réfère au conte du même nom, mais aussi aux œuvres de Yasunari Kawabata et Gabriel Garcia Marquez, qui ont tous deux reçus le Prix Nobel de littérature, et qui ont abordé cette thématique des hommes âgés dormant avec des filles bien plus jeunes. Et même dans la Bible, le Roi David cherche à passer la nuit aux cotés de jeunes vierges endormies".
Et la réalisatrice/écrivain d'ajouter que "le vrai film à interdire, c'était Pretty Woman, car voir cette fille se prostituer, et gagner à la fin et le mec et l'argent, était bien plus incitatif à la prostitution. Dans Sleeping Beauty, l'héroïne hurle d'effroi en comprenant que, même s'il n'y a pas pénétration, offrir son corps endormi n'est pas anodin."

Cette pique adressée à la comédie de Garry Marshall a de quoi surprendre, d'autant que la Commission de classification des films ne reprochaient pas directement à Sleeping Beauty d'inciter à la prostitution. Mais les propos de Julia Leigh - qui font écho à ceux de Daryl Hannah, qui affirme avoir refusé le rôle de Pretty Woman car elle le trouvait dégradant pour la condition des femmes - ont le mérite de rappeler que l'hypothétique portée morale d'un film ne découle pas de sa forme esthétique ni du genre cinématographique auquel il se rattache.
Voilà une façon plutôt habile de mettre la pression sur le ministère de Frédéric Mitterrand, qui tranchera bientôt quant à l'interdiction ou non de Sleeping Beauty aux moins de 16 ans.

Pour mieux apprécier la pensée de Julia Leigh, nous vous proposons de regarder la bande-annonce de Pretty Woman ainsi qu'un extrait de Sleeping Beauty. Quelle vidéo perturbe le plus votre sensibilité ? Celle de la prostituée Julia Roberts tombant amoureuse de l'homme d'affaires Richard Gere ou celle de l'étudiante Emily Browning se faisant inspecter comme du bétail par ses futurs employeurs ?

Réf : Actu ciné