Claude François et le cinéma

Peu le savent, mais Claude François avait bel et bien entamé une « carrière » cinématographique, certes dérisoire comparée à celle de Johnny Hallyday, Eddy Mitchell, ou même Annie Cordy, mais allez savoir ce que l'artiste serait advenu s'il ne nous avait pas quitté aussi prématurément. Pour l'heure, et dans le cadre de la sortie en salles du film Cloclo réalisé par Florent Emilio Siri, retour sur le parcours de Claude François au cinéma, de son unique « rôle » aux très nombreuses influences engendrées par le mythe.


Un zèbre nommé Claude François
 Nous sommes en 1977. L'artiste livre d'abord quelques-uns de ses plus grands tubes, Je vais à Rio, Alexandrie Alexandra et Magnolias for ever. Puis il est approché par son complice (et ami) Guy Lux qui tente de lui vendre un nouveau projet. Connu pour ses émissions, d'Intervilles à Cadet Rousselle, en passant par Jeux sans frontière, Domino ou encore Système 2, l'animateur décide en effet de se lancer à la fin des années 70 dans la mise en scène cinématographique avec le film Drôles de zèbres (ou Comment gagner un milliard sans se fatiguer, selon les versions). On ne saurait d'ailleurs comprendre pourquoi. On pensait avoir touché le fond avec Jacques Martin qui, cinq ans auparavant, nous infligea un Na ! de bien triste mémoire. Malgré cela, Guy Lux réussit le pari d'une insuffisance plus conséquente encore. Il s'entoure néanmoins de très grandes pointures, comme Mario David, André Pousse, Raymond Bussières, Alice Sapritch et Coluche, auxquelles s'ajoutent hélas divers artistes parmi les plus franchouillards du moment, généralement même synonymes de nanars, pour ne pas dire navets, dès que leur nom apparait au générique d'une œuvre (citons ici, entre autres exemples, Sim, Patrick Topaloff, Katia Tchenko ou Michel Leeb). Le résultat se révèlera donc à la hauteur de cette étrange « réunion », totalement bancale et d'une tristesse aberrante. Le box-office se chargera d'ailleurs d'en apporter la preuve définitive. De quoi convaincre Guy Lux de quitter cette nouvelle voie, lui qui avait d'ores et déjà un second projet sous le coude intitulé Les Charlots dans l'Espace (un concept pourtant prometteur, avec, vous l'aurez compris, Gérard Rinaldi, Jean Sarrus et Gérard Filipelli).

Quoi qu'il en soit, Drôles de zèbres contient son lot de scènes « cultes », et ce, pour tout amateur de film dit « ringard ». On y voit notamment Sim imiter Tarzan, Katia Tchenko à poil (ce qui n'est guère original mais personne ne semble se lasser d'un tel « running gag », souvenez-vous des Bidasses au pensionnat, de Mon curé chez les nudistes et de La carapate), et un chimpanzé doué de parole (on connait désormais les sources d'inspiration d'Hervé Palud, réalisateur de Mookie, en 1998). Maintenant que les « présentations » sont faites, venons-en à ce qui nous intéresse vraiment, la présence du chanteur Claude François au sein de cette histoire. Soyons clair, vous ne trouverez dans ce film aucune prestation véritablement transcendante de votre idole, au contraire le jeune acteur se contente ici de jouer son propre rôle. Avec un costume brillant fait de strass et de paillettes, Claude François assure à lui seul la totalité du spectacle, le temps d'une séquence, entonnant tour à tour Le mal aimé, Cette année-là et Une chanson populaire..., suivis d'une très courte intervention au cours de laquelle il déclame : « J'ai été heureux de vous rendre service ». Une véritable déclaration d'amitié à son metteur en scène. Les fans seront évidemment ravis, les autres, en revanche, tireront un peu la gueule. Car il faut se l'avouer. Guy Lux, qui n'avait certainement aucune ambition artistique, aurait pu malgré tout se creuser un peu plus les méninges quant à l'exploitation de Claude François dans un film, et, en ce sens, lui demander davantage. Un contre-emploi ou une autocaricature se seraientt par exemple révélés très excitants. Bref, voilà ce qui s'appelle un bel acte manqué. Car à l'exception de cet excellent documentaire réalisé par Claude Vernick, L'été frénétique, montrant la tournée triomphante de Claude François sur plus de cinquante dates, en 1964, aucun autre cinéaste n'aura eu la chance d'approcher d'aussi près cette fascinante légende.


L'héritage d'un mythe
 Force est de constater une empreinte des plus conséquentes laissée par Claude François au cœur de notre société, notamment d'un point de vue culturel. Si ses chansons ne cessent de passer en boucle sur les ondes françaises, l'ombre de l'artiste plane également sur un certain nombre de films. En voici donc quelques exemples, parmi tant d'autres.
On trouve tout d'abord de simples citations mais qui, chaque fois, résonnent en nous comme une réelle évidence. Ainsi, en 2002, Alain Chabat réalise Astérix et Obélix : Mission Cléopâtre, secondes aventures live du célèbre petit gaulois au cinéma. Or, une telle destination ne pouvait qu'inspirer son metteur en scène en faveur de Claude François (rappelons que celui-ci est né en Egypte). Fidèle à l'esprit de la bd originale (elle-même emplie de références), Chabat choisit donc d'insérer, au cours d'un dialogue, une phrase issue de la chanson Alexandrie Alexandra, suivie de son refrain. Petit rappel :

Astérix : C'est quoi cette lueur à l'horizon, Numérobis ?
Numérobis : Les lumières du port d'Alexandrie...
Astérix : ... font naufrager les papillons de ma jeunesse.
Numérobis : Hum ?
Astérix : Non, je ne sais pas pourquoi je dis ça...
Obélix : En tout cas j'ai plus d'appétit qu'un barracuda.
Astérix et Obélix (en chœur) : Ba-rra-cu-da !

On peut y voir là un très bel hommage rendu à l'artiste. D'une part, le fait d'intégrer ce texte au sein-même d'une discussion en démontre toute la poésie, bien au-delà de ses connotations disco, de l'autre, le cinéaste confirme l'appartenance intégrale de Claude François à notre mémoire, tous les spectateurs (ou une majorité) reconnaissant à chaque projection l'origine de ce dialogue.
Sept années auparavant, c'est le cinéaste Gabriel Aghion qui se voit inspirer par Claude François avec Pédale Douce, véritable succès surprise en 1996 (près de 4 millions d'entrées, sans oublier une succession de record d'audience lors de ces différents passages télévisés). L'homme nous rappelle en effet, et non sans humour, la symbolique gay à laquelle Claude François fut toujours rattaché. Ainsi, lors d'une séquence aujourd'hui culte, on découvre un Patrick Timsit travesti en « working girl » se déhancher avec entrain, proposant une irrésistible chorégraphie sur ce tube décidément récurrent, Alexandrie Alexandra.  


Viennent ensuite les nombreux cultes ouvertement adressés à la personnalité de Claude François. On n'insistera pas sur le lien très étroit rapprochant d'ores et déjà le chanteur avec Jérémie Renier dans Potiche, signé François Ozon (look quasi identique et diverses autres allusions). En revanche, le film Podium de Yann Moix nous semble plus intéressant. Il témoigne d'une mode éternelle, celle des sosies, notamment à l'encontre de Claude François (il est aussi question dans cette histoire de Michel Sardou, Michel Polnareff, Coluche, etc...). Mieux encore, il dévoile quelques éléments-clefs de son existence, parfois avec beaucoup réalisme (la relation du héros avec les femmes, la scène de l'ampoule...) ou simplement de façon parodique (la tournée en Province, les Bernadettes). Benoit Poelvoorde y est magistral, tour à tour drôle et émouvant. En outre, si l'admiration de son personnage à l'égard de Claude François effraie de prime abord, l'interprétation qu'il en donne finit par séduire, et ce, jusqu'à réhabiliter l'artiste aux yeux des plus critiques voire même de nous en faire oublier l'original.

Le mythe Claude François est donc resté intact, plus de trente ans après sa disparition. Aujourd'hui, consécration ultime, un biopic, Cloclo, se penche sur son existence, avec une parfaite justesse et sans aucun adoucissement. S'il n'aura jamais eu la chance de devenir une vedette de cinéma, Claude François en est depuis longtemps un personnage incontournable.

source : excessif.com