La cascade de quintes, à l'aube de la première séance, lorsque fondent les lumières... Les odeurs de fauves que répandent certains voisins de fauteuil... Les gens grossiers qui de leur vocabulaire ont banni les mots « pardon » et « s'il vous plaît »... Les héros de cinéma qui jamais ne tirent la chasse d'eau... Le spectacle désolant d'ados fringué comme si elles couraient au prochain casting de Dodo
Glauque devant, pas plus clair derrière ! Tandis que le soleil revient baigner la Croisette , de vilains démons tout de noir vêtus se mettent à hanter les salles. Le dix-huitième candidat à la palme d'or est un film américain, grâce auquel le tapis rouge a frétillé d'aise.
Côte pile, un paquet cadeau de stars hollywoodiennes - Nicole Kidman, Zac Efron, Matthew McConaughey, John Cusack - et une icône de la soul music , l'impériale Macy Gray, immense au propre comme au figuré. Côté face, les personnages du deuxième film de Lee Daniels, réalisateur indépendant dont le précédent bébé, Precious, fit sensation en 2009.
The Paperboy, traduit par « journaleux » ou « vendeur de journaux », est tiré d'un polar de Pete Dexter dont Pedro Almodovar a longtemps envisagé l'adaptation. Un film noir, moite et poisseux, dans la grande tradition du genre, conté en voix off, strié d'éclairs de violence, farci de pervers et de psychopathes.
Kidman, courageuse
Rien à voir, en l'occurrence, avec les Feelgood Movies dont raffolent les multiplexes et le box office. Sur fond de rythm'n blues - l'action se déroule en Floride en 1969 - l'auteur se fend d'un récit initiatique chauffé à blanc par des tensions sexuelles et raciales et quelques pulsions animales et frustrations pas piquées des hannetons. Bien plantée au sein d'une mise en scène assez racoleuse 100 % raccord au sujet, Nicole Kidman effectue là son grand retour. Dans le rôle d'une poupée Barbie, liftée et botoxée, la star australienne consent à rompre avec les délicats standards hollywoodiens. Courageuse attitude que voilà !
Pas d'orchidée pour mister Reygadas et pas de pitié pour Post Tenebras Lux ! Son quatrième long métrage, accueilli par une nuée de huées, du genre de celles qui généralement sont dévolues à Gaspard Noé ou à Lars Von Trier, dont on ne sait jamais vraiment s'ils méritent d'être qualifiés de génie maudit ou de fumiste accompli. Osons envisager la deuxième formule à l'encontre de ce jeune cinéaste mexicain peu aimable et pourtant porteur d'un vertigineux souffle de cinéma. Pas ici en tout cas, pas pour ce millésime 2012 confirmant qu'il est capable du meilleur comme du pire. À son meilleur, cela donne Lumière silencieuse, primé en 2007. Le pire, c'est cette année qu'il nous l'inflige avec cette oeuvre onirique dans laquelle il rend compte de ses fantasmes et des obsessions, des peurs qui sont les siennes depuis toujours. L'autofiction au-delà de toute raison. Son divin divan. Pas le nôtre.
Et de nouveau de se demander où sont bien passés les héritiers de Ford et de Fellini, de Chaplin et de Kurosawa, d'Antonioni et de Bergman. Deux jours encore pour les dénicher. Saint Kubrick, priez pour eux.
Réf: la voix du nord